Paris,
1810.
Le
passé n’est rien dans la vie,
Et
le présent est moins encor :
C’est
à l’avenir qu’on se fie
Pour
nous donner joie et trésor.
Tout
mortel dans ses voeux devance
Cet
avenir où nous courons ;
Le
bonheur est en espérance,
On
vit, en disant : Nous verrons.
Mais
cet avenir plein de charmes,
Qu’est-il
lorsqu’il est arrivé ?
C’est
le présent qui de nos larmes
Matin
et soir est abreuvé !
Aussitôt
que s’ouvre la scène
Qu’avec
ardeur nous désirons,
On
bâille, on la regarde à peine ;
On
voit, en disant : Nous verrons.
Ce
vieillard penche vers la terre ;
Il
touche à ses derniers instants :
Y
pense-t-il ? Non ; il espère
Vivre encor soixante et dix ans.
Un
docteur, fort d’expérience,
Veut
lui prouver que nous mourons :
Le
vieillard rit de la sentence,
Et
meurt en disant : Nous verrons.
Valère
et Damis n’ont qu’une âme ;
C’est
le modèle des amis.
Valère
en un malheur réclame
La
bourse et les soins de Damis :
”
Je
viens à vous, ami sincère,
Ou ce soir au fond des prisons…
Quoi
! ce soir même ? - Oui ! - Cher Valère,
Revenez
demain : Nous verrons. “
Gare
! faites place aux carrosses
Où
s’enfle l’orgueilleux manant
Qui
jadis conduisait deux rosses
A trente sous, pour le passant.
Le
peuple écrasé par la roue
Maudit
l’enfant des Porcherons ;
Moi,
du prince évitant la boue,
Je
me range, et dis : Nous verrons.
Nous
verrons est un mot magique
Qui
sert dans tous les cas fâcheux :
Nous
verrons, dit le politique ;
Nous
verrons, dit le malheureux.
Les
grands hommes de nos gazettes,
Les
rois du jour, les fanfarons,
Les
faux amis et les coquettes,
Tout
cela vous dit : Nous verrons.
François-René
de Chateaubriand, Poésies diverses.
{ Cliquez sur l'image pour afficher en grand } |
Chateaubriand est un écrivain, poète et homme politique. né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris en juillet 1848. Il est une figure centrale du romantisme français.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire